Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
134
MADEMOISELLE DE GOURNAY.

comme Juste Lipse appelait Montaigne, n’avaient pas laissé chez elle de moins chers souvenirs. Son admiration et sa reconnaissance y sont vivement empreintes : car de ce titre de fille d’alliance, elle n’était pas, selon ses propres termes, moins glorieuse « qu’elle ne l’eût été d’être mère des Muses mêmes. » Ailleurs elle se félicite de devoir « à ce second père l’instruction de son esprit : » il est certain qu’il put en goûter et contribua à en mûrir les premiers fruits. En d’autres termes, elle lui soumit les essais de sa plume, et il ne lui refusa ni ses encouragements ni ses conseils. Le Promenoir de Montaigne paraît en effet dater de l’époque où celui-ci reçut l’hospitalité à Gournay ; et tout annonce que cet opuscule est la plus ancienne production de notre auteur.

Cette histoire romanesque, rééditée plusieurs fois, tire son nom de ce qu’elle la raconta, nous dit-elle, à son père adoptif, en se promenant avec lui, un jour qu’ils devisaient des funestes effets qu’entraînent les passions : elle la lui adressa ensuite, peut-être imprimée, en 1589. C’est un accident tragique, tel que l’amour en a souvent causé, comme le rapporte Plutarque : elle en a puisé l’idée dans un livre a dont le nom lui a échappé. » Voici la fable :

« Un roi des Parthes, après avoir triomphé de la Perse, demanda au souverain de ce dernier pays, comme gage et condition de la paix, qu’il lui donnât en mariage une de ses parentes, aussi belle que bien née. Alinda, c’était le nom de cette princesse, fille du satrape Orondatès, l’oncle du monarque persan et le