Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
128
MADEMOISELLE DE GOURNAY.

ne sont pas d’accord sur la date de sa naissance. Elle-même, très-explicite en général sur ce qui la concerne, ne nous a transmis là-dessus aucune indication positive. En réalité, il paraît constant qu’elle naquit dans les derniers jours de septembre 1565. C’était au moment où Montaigne, dont la destinée se trouva par la suite étroitement liée à la sienne, venait d’atteindre l’âge de trente-deux ans et demi. Après avoir perdu l’ami qu’il ne cessa de pleurer, celui-ci avait cherché dans une autre affection un allégement à ses vifs regrets, et tout récemment il avait épousé Françoise de Chassaigne, la fille d’un conseiller de Bordeaux.

Mademoiselle de Gournay était l’aînée d’une famille assez nombreuse. Plusieurs de ses six frères et sœurs sont mentionnés dans ses ouvrages. Elle nous apprend notamment qu’une de ses sœurs, Léonor de Jars, religieuse à Chanteloup, la précéda de beaucoup d’années au tombeau. Un de ses frères, Augustin de Jars, sieur de Neufvi, à qui son courage promettait un brillant avenir, périt très-jeune sur le champ de bataille. Quant à son père, il appartenait à une de ces races de gentilshommes campagnardes et guerrières, fortes par l’éducation et les exemples, que la politique de nos ministres et de nos rois devait à l’envi abâtardir. La guerre qu’elles faisaient à leurs dépens, pour la gloire du suzerain, en avait appauvri ou ruiné la plupart : de là ce famélique désir d’emplois qui naquit parmi elles au seizième siècle, et dépeupla, pour le séjour des villes, les champs et les manoirs, émoussant la rudesse des façons et aussi la trempe des caractères.