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LES FEMMES POËTES

Ainsi se déployait, dans le genre ingénu de nos vieux rondeaux, la ferveur de cette princesse qui pouvait se féliciter d’avoir, conformément à sa devise[1], aspiré à un noble but. La multiplicité même de ses œuvres témoigne des directions entre lesquelles se partageait ou hésitait l’esprit français, dans la première partie du seizième siècle, dont Marguerite est à beaucoup d’égards la plus complète expression. Chez elle se sont montrées surtout les deux principales sources de notre veine nationale. On la voit d’un côté, par ces compositions dont l’accent rappelait les minnesaengers de l’Allemagne, s’associer à ce caractère ancien de notre poésie, qui faisait que Muret la traitait, comme on l’a dit, de poésie de dames (muliercularum), mais qui a certainement poli notre esprit en adoucissant nos mœurs. D’autre part, éprise du goût sévère qu’avait introduit la réforme et qu’accepta avec empressement le catholicisme, elle se livre à cette imitation des chants sacrés, tels que les hymnes et les psaumes, qui allait préoccuper à l’envi nos poëtes en offrant à leur génie une inspiration plus pure et plus élevée. Désormais il n’en est presque aucun qui ne s’exerce dans la traduction de ces poésies saintes, dont on peut dire qu’elles ne contribuèrent pas faiblement à mûrir et à fortifier la nôtre. C’est la pénitence obligée de ceux qui ont cultivé une autre muse, et La Fontaine, lui aussi, s’y soumettra après ses contes. Noble tradition qui ne sera pas

  1. Une fleur de souci, regardant le soleil, avec ces mots : Non inferiora secuta.