Vertu peu vaut, s’il n’y abonde
Par son esprit force et valeur :
Las, vous en seriez possesseur,
Si de David aviez la fronde ;
Mais vous êtes mauvais chasseur.
Ce que cherchez est dans le bois
Où ne va personne infidèle ;
C’est l’âpre buisson de la croix,
Qui est chose au méchant cruelle :
Les bons veneurs la trouvent belle ;
Son tourment est leur vrai plaisir.
Or, si vous aviez le désir
D’oublier tout pour cet honneur,
Autre bien ne voudriez choisir ;
Mais vous êtes mauvais chasseur.
Lors quand le veneur l’entendit,
Il mua[1] toute contenance ;
Et, comme courroucé, lui dit :
Vous parlez par grande ignorance.
Il faut que je détourne et lance
Le cerf, et que je coure après ;
Et vous me dites par exprès
Qu’il ne s’acquiert par mon labeur.
Seigneur, le cerf est de vous près ;
Mais vous êtes mauvais chasseur.
S’il vous plaisait seoir et poser
Dessus le bord d’une fontaine
Et corps et esprit reposer,
Puisant de l’eau très-vive et saine,
Certes, sans y prendre autre peine,
Le cerf viendrait tout droit à vous ;
- ↑ Muer, mutare, changer. Il changea de contenance…