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MARGUERITE DE NAVARRE

Christ de Dieu, Marguerite, dans sa litière même où elle a reçu cette funeste nouvelle, fait éclater ses alarmes par cette strophe :

Oh ! qu’il sera le bien venu
Celui qui, frappant à ma porte,
Dira : le roi est revenu
En sa santé très-bonne et forte !
Alors sa sœur, plus mal que morte,
Courra baiser le messager,
Qui telles nouvelles apporte
Que son frère est hors de danger…

Ce fut à la religion que Marguerite, privée de ce frère bien-aimé, emprunta sa consolation, comme le prouvent ces vers qu’elle écrivait un mois après l’avoir perdu :

Tandis qu’il était sain et fort,
La foi était son reconfort ;
Son Dieu possédait par créance.
En cette foi vive il est mort,
Qui l’a conduit au très-sûr port
Où il a de Dieu jouissance.

Ces sentiments de piété respirent, au reste, dans la plupart des compositions de Marguerite ; ils forment en particulier le fond de ses Chansons spirituelles. Beaucoup de ces dernières sont demeurées inédites ; mais il en a été publié assez pour que l’on ne puisse mettre en doute à cet égard la fécondité de sa veine. L’une des plus caractéristiques, sinon des mieux tournées, parce que le mysticisme de la pensée s’y allie au plus haut degré à la subtilité allégorique du langage,