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MARGUERITE DE NAVARRE

que son cœur a reçues et même les blessures cruelles que lui a faites la jalousie. La troisième dame s’indigne d’être soupçonnée d’avoir trahi sa foi, et proteste de sa loyauté. Pour la quatrième, qui a cru aux promesses de l’amour, l’amour n’a été que la source d’amères déceptions ; l’unique port qu’elle cherche dans son malheur est le trépas. Après les dames vient le tour des gentilshommes, qui nous entretiennent de leur sort, en accusant ou bénissant l’amour, selon les impressions qui les dominent. Dans la bouche de l’un se reflètent les sentiments de l’abnégation chevaleresque, heureuse de se prosterner avec un muet respect devant l’objet d’un culte passionné. Un autre, qui a trouvé merci devant sa dame, vante son bonheur et proclame avec reconnaissance les perfections de sa maîtresse, mais sans s’écarter jamais de la pureté platonique ou plutôt chrétienne. Tout au contraire le troisième amant exhale d’humbles doléances sur un honneur orgueilleux, une rigueur insensible, que rien ne semble pouvoir fléchir ; une seule consolation le soutient, c’est que jamais dame n’a été plus renommée que la sienne et plus digne d’estime. Le dernier gentilhomme gémit aussi sur son martyre : vainement sa conduite a été pleine de réserve et l’honnêteté de ses pensées constante ; il supplie celle qu’il aime de lui rendre son affection qu’il a perdue.

Pour la bonhomie de nos ancêtres, qui n’étaient pas encore blasés sur les plaisirs de l’esprit, mais qu’une jouissance nouvelle commençait à séduire, celle de la conversation, qui devait fonder en partie notre suprématie sociale, ces jeux de l’imagination, en réalité si