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MARGUERITE DE NAVARRE

dans les matières, ni d’agrément dans le style ; et, quant au recueil de ses contes, qu’elle a empruntés pour la plupart à Boccace, qui les avait tirés lui-même de nos anciens fabliaux, ils attestent une imagination facile sans doute, mais par trop libre. Cette circonstance, qui n’a pas nui à leur publicité, bien au contraire (car ce livre a été des plus reproduits), trouvera son excuse dans les mœurs naïves de nos ancêtres. Chose singulière pour notre civilisation raffinée, dans cette époque dont nous avons déjà noté ce trait caractéristique, la candeur, les auteurs dont les productions nous semblent d’une hardiesse condamnable avaient souvent la conduite la plus réglée et les principes de religion les plus fermes. N’hésitons pas néanmoins à blâmer hautement la licence de quelques-uns de leurs ouvrages, puisque, des jeux de l’imagination, cette licence allait passer dans la réalité, c’est-à-dire la vie, et envahir toutes les parties du corps social.

Marguerite, par une contradiction frappante avec ses contes, avait reçu une éducation simple et sévère comme le gouvernement du bon Louis XII ; mais elle ne s’en montra pas moins captivée de très-bonne heure, comme elle nous l’apprend :


Par le plaisir de la douce Écriture
Où tant je fus encline de nature.