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MARGUERITE DE FRANCE

refroidi à l’égard des lettres, elle ne se ralentit nullement dans la protection qu’elle leur accordait. Mariée au duc de Berry, elle fit fleurir à Bourges, sa capitale, les études qu’elle aimait, et, en réunissant à ses côtés beaucoup d’hommes distingués par leur esprit et par leur science, elle mit le comble à l’ancienne renommée de l’Université de cette ville. Plus tard, quand elle fut devenue, après la mort de son premier époux, la femme du duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, elle transporta à Turin, où elle mourut en 1574, âgée de cinquante-sept ans, sa cour spirituelle et savante ; elle fit fleurir surtout dans ses États, en y appelant les plus fameux jurisconsultes, l’enseignement du droit. Ce qui doit ajouter aux hommages de la postérité, ou plutôt ce qui en est vraiment digne, c’est qu’elle joignait un fonds solide de piété et de vertu à ses rares connaissances. Par sa charitable bonté, elle mérita de ses sujets, dont elle assura le bonheur dans un temps de troubles et de guerres, le nom de Mère des peuples.

Ainsi les princesses de France, à cette époque, portaient dans les pays voisins les goûts éclairés et nobles, principes actifs de civilisation, qu’elles avaient sucés dès l’enfance au milieu de la cour des Valois. Pour leur gloire, il n’est pas inutile de constater que, dans un intervalle de trente ans, on les vit, par un rôle des plus heureusement efficace, encourager tour à tour et couvrir de leurs sympathies les hommes qui, pour les lumières et les talents, marchaient à la tête de leur siècle, Érasme, Budé, Paul de Foix, Ramus, L’Hôpital, etc.