Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
MARGUERITE DE VALOIS


Cet amant de mon cœur, qu’une éternelle absence
Éloigne de mes yeux, non de ma souvenance,
A tiré quant et soi, sans espoir de retour,
 Ce que j’avais d’amour.


Mais Marguerite oubliait vite. Elle devait souvent encore prendre et même être prise. Bientôt le gouverneur du château d’Usson éprouva l’empire de ses charmes, et, de prisonnière, elle y devint maîtresse. Prompte à la chute et au changement, dans ce siècle où les intrigues amoureuses étaient brusquement interrompues par le bourreau ou tranchées par des coups de poignard, elle devait trouver plus d’un Atys à célébrer ou à déplorer. Quand La Mole eut péri comme Aubiac, victime d’une mort tragique, Marguerite consacra des vers à la mémoire de celui qu’elle appelait « le bel Hyacinthe. » Quand Date, « ce petit valet de Provence, qu’elle avait anobli avec six aunes d’étoffe » (ainsi s’expriment les Mémoires du temps), eut été tué à la portière de son carrosse, elle soupira de nouveau et en ces termes ses regrets :


 Atys, l’objet de cette cour,
 Bel Atys, mon dernier amour,
 De qui le souvenir me tue,
Dois-je point espérer de te revoir un jour,
Afin que cette attente encore m’évertue ?

 Ces beaux yeux de moi tant chantés,
 Me seront-ils toujours cachés ?
 Faut-il pour jamais m’y résoudre ?
Nos cœurs et nos désirs, par le ciel attaches,
Peuvent-ils par le temps être réduits en poudre ?