Page:Feugère - Les Femmes Poètes au XVIe siècle, 1860.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
CATHERINE DE PARTHENAY

où se taisent les mécontentements et les haines, elle n’en célébra pas moins par les strophes suivantes la mémoire de ce grand prince :


Regrettons, soupirons cette sage prudence,
Cette extrême bonté, cette rare vaillance,
Ce cœur qui se pouvait fléchir et non dompter ;
Vertus, de qui la perte est pour nous tant amère,
Et que je puis plutôt admirer que chanter,
Puisqu’à ce grand Achille il faudrait un Homère.

Jadis par ses hauts faits nous élevions nos têtes :
L’ombre de ses lauriers nous gardait des tempêtes ;
Qui combattait sous lui méconnaissait l’effroi.
Alors nous nous prisions, nous méprisions les autres,
Étant plus glorieux d’être sujets du roi,
Que si les autres rois eussent été les nôtres[1].

Maintenant notre gloire est pour jamais ternie ;
Maintenant notre joie est pour jamais finie :
Près du tombeau sacré de ce roi valeureux
Les lis sont abattus, et nos fronts avec eux.

Mais parmi nos douleurs, parmi tant de misères,
Reine, au moins gardez-nous ces reliques[2] si chères,
Gage de votre amour, espoir en nos malheurs :
Étouffez vos soupirs, séchez votre œil humide,
Et pour calmer un jour l’orage de nos pleurs,
Soyez de cet État le secours et le guide.

Ô Muses, dans l’ennui qui nous accable tous,
Ainsi que nos malheurs, vos regrets sont extrêmes :

  1. C’est-à-dire nos sujets.
  2. C’est le sens du latin reliquiæ. André Chénier, dans ses notes sur Malherbe, a regretté la désuétude de ce mot.