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HENRI ESTIENNE.

entra dans cette carrière avec plus de courage et de succès.

Par lui bientôt tout changea de face. Muni des beaux caractères de Le Bé, fondus sur l’ordre et sans doute aux frais d’un prince qui se montra par malheur plus ardent à entreprendre que persévérant à achever, il put, de 1539 à 1546, faire paraître ses deux Bibles hébraïques. Dès la première de ces années, il avait été nommé imprimeur du roi pour l’hébreu comme pour le latin. À ce double titre il ne tarda pas à joindre celui d’imprimeur du roi pour le grec ; et, comme tel, il eut à sa disposition d’autres caractères non moins magnifiques, ceux de Garamond, ainsi appelés du nom de l’artiste célèbre à qui François Ier confia le soin de les graver.

Grâce à la munificence royale, Robert employa pour la première fois, dans son édition d’Eusèbe, ces types grecs, que l’on s’accorde à reconnaître pour les plus parfaits qui aient jamais existé. Des trois alphabets qu’ils comprennent, on sait que deux furent dessinés par le calligraphe Ange Vergèce ; et l’on présume que le troisième, le plus petit, le fut par Henri Estienne lui-même, alors fort jeune et dont la main rivalisait d’habileté avec celle de ce fameux copiste. Ce fut à l’aide de ces caractères, dits les grecs du roi, dont les poinçons et les matrices existent encore aujourd’hui à l’imprimerie impériale, que furent exécutées, de 1544 à 1550, plusieurs éditions de classiques qui l’emportèrent sur celles des Manuce en correction et en beauté.

Robert s’appliquait en même temps à reproduire