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HENRI ESTIENNE.

tie du dix-septième. Le chef de cette race célèbre s’appelait également Henri ; on le connaît sous le nom de Henri Ier. Destiné à fonder cette espèce de dynastie du travail et de l’intelligence, il vint au commencement du seizième siècle exercer à Paris l’art de la typographie, découvert depuis cinquante ans environ, et qui comptait déjà, en Italie surtout, de si honorables représentants. On a dit qu’il était issu d’une bonne noblesse de Provence et qu’il fut conduit par un goût passionné, contre lequel la fierté de ses parents lutta vainement, à embrasser ce que l’on appelait alors la profession mécanique d’imprimeur[1]. Les preuves manquent à l’appui de cette extraction illustre, dont n’ont pas besoin les Estienne ; et sur ce point, comme sur la date précise et le lieu de la naissance du premier Henri, on est réduit en réalité à de simples conjectures. Il paraît qu’il s’était formé en partageant les travaux d’un typographe allemand : c’est, en tout cas, aux années 1502 et 1503 que remontent les plus anciens livres sortis de ses presses ; d’abord une traduction latine de la Morale d’Aristote, ensuite un abrégé de l’Arithmétique de Boëce. La renaissance classique n’avait pas encore commencé en France ; mais les écrits d’Aristote y étaient en honneur, son nom florissait dans nos écoles, grâce à la scolastique, dont le règne n’était pas fini : on le voit assez par les titres seuls des ouvrages que ce Henri fit paraître. La plupart appar-

  1. Au reste ce préjugé ne dura pas, et le grand Adrien Turnèbe, ainsi que le nomme Passerat, ne crut pas déroger, quoique issu d’une famille noble, en se faisant imprimeur peu de temps après.