Page:Feuerbach - Qu'est-ce que la religion ?,1850.pdf/97

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

épouvantail quelconque qu’ont fait des enfants après être convenus entre eux qu’ils auront peur de ce mannequin. Car, en effet, supposer un législateur sacré pour sanctifier la loi morale, est en contradiction précisément avec la vertu, qui consiste à exécuter la loi morale purement à cause d’elle. »

Hegel dit que la célèbre conclusion par laquelle Kant arrive à la nécessité d’un Dieu existant, n’est rien autre chose qu’une hypothèse explicative, dans le sens du mot qu’un grand astronome français avait répondu à l’empereur Napoléon : « Je n’ai pas besoin de cette hypothèse (III, 552). » « Quand vous entendez quelqu’un déclamer contre le spinosisme. vous pouvez toujours présumer que cet homme veut les choses finies, l’égoïsme ; il ne faut pas dire : Nous existons et Dieu aussi. Ce serait une mesquine combinaison hypothétique, une concession mutuelle qui ne vaut rien (III, 373). »

Hegel s’exprime avec une ironie mordante sur les hommes bornés tels que la petitesse des rapports les a faits : « La science et le savoir, voilà la vraie jouissance du philosophe, c’est cette ineffable et solennelle joie de l’esprit : Les bœufs restent dehors (I, 6 ; I, 279 ; I, 196 ; I, 339 ; I, 49). » « Héraclite avait un mépris bien motivé à l’égard du commun des contemporains : ce philosophe était un noble esprit. » — « La philosophie, c’est le temple de la Raison qui a connaissance et conscience d’elle-même : un temple bien plus élevé que celui des Hébreux, où demeura le Dieu vivant. » – « Les penseurs sont des secrétaires qui écrivent, tout de suite et en original, les ordres de cabinet de l’histoire du genre humain : les penseurs ont de tout temps assisté chaque fois qu’un mouvement gigantesque se fit dans le monde humain ; ils y ont assisté au centre même du sanctuaire humanitaire, tandis que les autres mortels ne font que poursuivre des intérêts personnels au milieu du travail de l’humanité, des intérêts de richesse, de domination, d’amour, etc. (III, 96). » « La philosophie ne doit commencer que par la ruine d’un monde réel. La pensée philosophique ne tisse son réseau spirituel que là où il y a déjà une rupture entre la tendance intérieure et la réalité extérieure, où la forme actuelle de la religion ne suffit plus, où un organisme de la vie morale va se dissoudre. Ce n’est qu’alors que l’intelligence se réfugie dans les espaces du raisonnement et de la pensée, et le domaine des idées y naît comme l’opposite du domaine des réalités. L’esprit,