Page:Feuerbach - Qu'est-ce que la religion ?,1850.pdf/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
82
QU’EST-CE QUE LA RELIGION

vérités ne sont reconnues que tard : le simple système astronomique de Copernic est venu longtemps après le système inutilement compliqué de Ptolémée.




Il est à remarquer, toutefois, que Hegel[1], en présence de son immense auditoire universitaire à Berlin et dans ses livres immortels, déjà bien longtemps avant 1831 (l’année de sa mort), prononça des phrases d’une justesse et d’une franchise admirables. Ainsi, en parlant de l’esprit de l’univers ou de l’âme universelle, il dit : « Voyez-le, il marche sans cesse, car esprit, c’est progrès. Souvent il semble s’être égaré, oublié : ne vous y trompez pas, il n’a fait que rentrer chez lui et il va travailler assidument, invisiblement sous la surface des choses existantes jusqu’à ce qu’il éclatera : c’est comme Hamlet dit à l’âme de son père défunt : Tu as bien travaillé, brave taupe. Une époque arrive, tôt ou tard, où l’esprit de l’univers quitte son souterrain, en poussant de bas en haut l’écorce de terre qui l’avait séparé de son soleil : alors la terre s’affaisse, l’esprit a mis les bottes desept lieues, il se lève rajeuni et marche à travers les peuples, tandis qu’elle, dépourvue d’âme et d’énergie, s’écroule à jamais dans l’esprit du passé » (Histoire de la Philosophie, III, 266). « L’esprit universel travaille dans l’intérieur, il creuse et élargit en secret, sans bruit et longtemps : il ne connaît pas d’ennui ; il est patient et fort : il laisse même subsister encore pendant quelque temps l’apparence extérieure, l’ancienne forme ; mais enfin celle-ci, devenue une coquille vide et légère, va être percée par la nouvelle. » (III, 266). « Le développement du genre humain s’opère d’une méthode rationnelle ; c’est avec cette manière de voir qu’il faut aborder l’histoire du monde. » (I, 30). « L’esprit de l’univers a assez de nations et d’individus à dépenser. » (I, 50) « Le long cortège de tous les esprits philosophiques, dont l’histoire de la philosophie se compose, c’est la longue série des battements de pouls que l’esprit universel, l’esprit unique, dépense

  1. Ceci est de la plume du traducteur.