à demi, chrétiens à demi ; ici-bas nous sommes à moitié citoyens du ciel, à moitié citoyens de la terre, Cette scission est inconnue au catholicisme, et à cet égard il peut de bon droit se vanter de son principe d’unité ; il est assez franc pour nier dans la vie terrestre, dans la morale pratique, ce qu’il nie dans la théorie, dans la foi dogmatique. Ainsi, Jérôme dit : « Grandis igitur virtutis est et diligentiae, superare quod nata sis : in carne non carnaliter vivere, tecum pugnare quotidie » ; Tu dois lutter tout le jour contre toi, tu dois vivre non-charnellement dans la chair, voilà le conseil très chrétien qu’il donne à Furia, matrone romaine. Et Thomas à Kempis (Imitat. Christ., III, 54) : « Plus la nature est vaincue et maltraitée (premitur), plus la grâce divine y arrive. » — « Esto robustus tam in agendo, quam in patiendo nature contraria (c. 49). » — « Beatus ille homo. qui propter te, Domine, omnibus creaturis licentiam abeundi tribuit, qui naturae vim facit (c’est-à-dire qui lêve la main contre elle), et concupiscentias carnis fervore spiritus crucifigit (c. 48). » « Ô malheur, le vieil Adam existe encore en moi, il n’est pas encore entièrement crucifié (c. 34 ; aussi III, c. 19, II, c. 12). On se tromperait en n’y voyant que la piété individuelle de Thomas à Kempis ; toute la morale transcendante du catholicisme y est. C’est cette morale pour laquelle les saints ont subi le martyre, et que le chef de l’Église a sanctionnée : ainsi, par exemple, on lit dans la canonizatio sancti Bernardi abbatis (per Alexandrum dominum papam III, anno Chr. 1164. litt. apostol.… Primo ad praetatos Eccles. Gallic.) : » « In afflictione vero corporis sui usque mundo reddidit crucifixum, ut confidamus martyrum quoque cum merita obtinere sanctorum, etc. » Voilà un principe moral purement et sèchement négatif[1] ; on ne peut plus avoir à son égard le moindre doute, et c’est toujours déjà quelque chose : c’est clair, c’est simple, c’est un.
Mais, tout en lançant de sa hauteur supra-naturaliste les plus sanglantes épigrammes et les plus sombres exécrations contre la nature vivante dans l'homme et en dehors de l’homme, l’Église était
- ↑ Il va sans dire que, absolument comme le bramanisme, le catholicisme aussi arriva à cette thèse, que le martyre infligé au corps n’a pas besoin d’être motivé par l’amour pour Dieu ; le martyre suffit pour conduire au paradis. (La traducteur)