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Bref, le grand nom de Dieu n’a de l’importance que dans la bouche de la misère et du désespoir ; sur les lèvres des émancipés religieux et politiques d’aujourd’hui, ce nom n’a plus la signification sérieuse comme dans les anciens temps. Eh bien ! c’est précisément cette affreuse nécessité logique, de mettre d’un côté de l’équation les mots affirmation en Dieu, et de l’autre les mots opposés négation dans l’homme, qui a servi de fondement pour l’édifice luthérien, érigé sur les ruines de l’édifice catholique.

Dieu est bon, l’homme par conséquent est méchant ; attribuer les bonnes actions à celui-ci, serait blasphémer celui-là, elles ne viennent que de la source de toutes les vertus, de Dieu. Le terrible abîme entre Dieu et l’homme ne pouvant être rempli que par Dieu, toute conciliation, toute médiation qui part de l’homme, est nulle ; Dieu est le sauveur, l’homme a beau faire des efforts pour son salut, ils sont entièrement inutiles.

Tout ce qu’on appelle les œuvres méritoires, les pénitences salutaires, les mortifications de la chair, les tourments infligés à la sensualité, est entièrement insignifiant. Ainsi sont proscrits irrévocablement, comme des vanités dangereuses ou du moins puériles, le chapelet, les jeûnes, les pèlerinages, la messe, l’achat et la vente des indulgences papales, les ordres religieux.

Luther dit : « Si nous pouvons annuler un péché par nos œuvres, par nos actions extérieures et intérieures ou morales, alors le sang du Christ, il faut l’avouer, a été répandu en vain et par nul motif suffisant (XVIII, 491). La foi israélite veut conquérir la grâce de Dieu par des actions humaines, et acquérir le bonheur éternel, après le trépas, par le repentir des péchés. Cela signifie autant que se défaire de Jésus-Christ, le mettre de côté comme une chose peu nécessaire. Ah ! ils se vanteront de s’emparer du paradis céleste en se crucifiant ici-bas pour leurs crimes, en menant une vie austère mais en agissant ainsi, ils attribueront aux œuvres et au clergé, ce qui n’est qu’à Jésus-Christ et à la Foi, et ils ne font que renier le Christ. Les papistes, où font-ils aboutir la Foi, si non à eux-mêmes ? Ils enseignent à l’homme d’avoir foi dans leur mérite. Les moines, je le sais, ne disent point : je m’appelle le Christ, appelez-moi le Christ, mais ils disent : je suis le Christ (75). Si notre repentir nous assurait le pardon de nos péchés, l’honneur serait à nous et point à Dieu (356). De deux choses l’une : si je marche