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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

dum Deum. » L’État mondain est basé sur l’égoïsme, l’autre sur l’amour de Dieu (XIV, 28, XV, 2,4, 5.) : « Fecerunt igitur civiates duo amores duo : terrenam scilicet amor sui usque ad contemptum Dei, cœlestem vero amor Dei usque ad contemptum sui… Illa quaerit ab hominibus gloriam, huic autem Deus conscientiae testis maxima est gloria. Pars quaedam terrenae civitatis imago coelestis civitatis effecta est, non se significando, sed alteram et ideo serviens, » Ainsi, le bon côté de l’État mondain ne sert qu’à représenter, faiblement bien entendu, la Cité divine, il n’a point été institué pour lui-même : « Praecedente alia significatione et ipsa praefigurans praefigurata est… parit autem cives terrenae cititatis peccato vitiata natura, cœlestis vero civitatis cives parit a peccato naturam liberans gratia ; unde illa vocatur vasa irae, ista vasa misericordiae. Et il ajoute ; « La Cité terrestre qui n’est point éternelle (neque enim cum extremo supplicio damanate fuerit, jam civitas erit) a des biens ici-bas, dont elle jouit tant qu’on peut jouir de ces choses-là. Or, comme ces biens sont tels qu’il en naît des angoisses pour leurs amateurs, cette Cité mondaine est toujours divisée par des procès, des guerres et des combats, et ses victoires sont mortelles pour les vaincus comme pour les vainqueurs Le premier fondateur de la Cité terrestre était donc le premier fratricide. » Or, comme la Cité divine que saint Augustin propose pour modèle est très peu adéquate à l’être humain, la Cité mondaine le sera encore moins. Nous voyons, en effet, paraître l’empire romano-chrétien des Constantinides, les royaumes chrétiens des Teutons romanisés, des Germains, des Slaves, les états chrétiens du moyen-âge et parmi eux l’archi-chrétien, l’état ecclésiastique du pape, mais tous étaient en contradiction avec l’humanité, tous sans aucune exception : les notions abstraites de l’amour de Dieu et du prochain de la fraternité, de la chasteté, etc., restaient stériles et maudites, parce que l’Église augustinienne ne voulait ni ne pouvait réorganiser l’être humain dont elle n’a jamais eu une connaissance suffisante. De là cette étrange facilité avec laquelle l’Église tue le corps humain[1] ; saint Augus-

  1. Les pieux massacres des hérétiques ont remplacé le culte du Moloch. Cela se prouve sans difficulté par la critique et la logique ; ici je n’en veux citer qu’un appui historique : près Séville Lorente vit après 1800 encore le quémadéro, échafaud en pierres érigés il y a trois siècles par le préfet inquisitorial dans