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L’ESSENCE
DE LA FOI.

D’APRÈS LUTHER


— LOUIS FEUERBACH (1844) —



Parmi les systèmes religieux il y en a un qui, plus que tout autre, abonde en doctrines contraires à l’intelligence, à l’esprit et au sentiment de l’homme c’est le luthéranisme. Il oppose, ce semble, des thèses irréfutables à l’idée fondamentale développée dans l’Essence du Christianisme, en démontrant l’origine surhumaine et surnaturelle de cette religion. Comment, en effet, l’homme aurait-il lui seul inventé une doctrine qui, en l’abaissant jusqu’au dernier degré, n’a point hésité à nier hardiment tout ce que l’homme possède, de mérite, d’honneur, de vertu, de volonté et d’intelligence, pour attribuer l’ensemble de toutes ces qualités à Dieu seul[1] ?

L’homme et Dieu voilà deux extrêmes. Luther dit : « Si nous voulons exactement comprendre ce que nous sommes vis-à-vis de Dieu, nous trouverons une énorme différence entre lui et nous,

  1. « Luther a présenté, non pas l’équilibre de la grâce et de la nature, mais leur plus douloureux combat. Les luttes de la sensibilité, les tentations plus hautes du doute, bien d’autres hommes en ont souffert ; Pascal les eut évidemment, il les étouffa et il en mourut. Luther n’a rien caché, il ne s’est pu contenir. Il a donné à voir en lui, à sonder la plaie profonde de notre nature : c’est le seul homme peut-être où l’on puisse étudier à plaisir cette terrible anatomie, » (Mémoire de Luther, par Michelet, préface IX.)