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Chapitre XXIII.

La Contradiction dans l’Essence de Dieu en général.


Le pivot de toute la sophistique chrétienne, c’est la notion du Dieu. On vous dit : « Dieu, c’est l’être humain ; » et on se hâte d’ajouter : « Dieu n’est point l’être humain, il est un être surhumain. »

Dieu est l’être universel et pur, l’idée de l’essence dans l’abstraction la plus complète : ce Dieu-là ne saurait figurer est même temps comme un être individuel et personnel. Dieu est personnalité, et en même temps il est impersonnalité, universalité. Dieu est donc le non-sens personnifié.

Dieu a une existence qui, dit-on, est plus certaine que la nôtre : et on s’empresse de modifier cette assertion, en disant que son existence est séparée de la nôtre et de celle des objets ; cela signifie que son existence individuelle ou particulière ; ce qui contredit tout ouvertement l’autre assertion, d’après laquelle l’existence de Dieu est universellement spirituelle, et imperceptible aux sens. La notion fondamentale est donc évidement une contradiction, qu’on cherche à couvrir de sophismes, mais on n’y réussit jamais. Un Dieu qui ne s’occupe pas de nous, qui n’exauce pas nos prières, n’est pas Dieu ; nous exigeons avec raison l’humanité comme un des attributs principaux de ce Dieu. Mais n nous réplique qu’un Dieu qui n’existe pas en dehors de nous, en dehors de l’être humain, en dehors de l’essence et de la nature humaines, en dehors de l’humanité, serait un misérable fantôme ; en d’autres termes, on nous impose un Dieu non-humain, anti-humain, inhumain. Un Dieu qui n’est pas de notre essence, qui n’a pas de l’intelligence, de la conscience, personnelles à la Substance de Spinoza ; ce n’est pas là un Dieu. On veut absolument que Dieu soit identique avec nous dans l’essence ; or, notre essence humaine ne se manifeste que par la personnalité ou la conscience du moi individuel ; donc