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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

son savoir est vain et faux, terrestre et humain ; » voilà sa prémisse. Or, Dieu, cet être surhumain, ne se reconnaît que lui-même, et nous n’avons sur l’essence de Dieu, point d’autres renseignements que ceux qu’il nous a donnés par la révélation. Cette parole divine est donc profondément opposée et antipathique à la parole humaine, la révélation de Dieu heurte de front la raison de l’homme. Mais d’un autre côté, la révélation divine a été accommodée à la nature humaine ; Dieu ne se révèle ni aux animaux, ni aux anges, il parle donc un langage humain rempli d’idées humaines ; Dieu, qui s’occupe continuellement de l’homme, de manière qu’il verse son sang divin pour lui, doit nécessairement mesurer la révélation d’après la capacité des facultés humaines. Voilà donc Dieu qui est tout à coup forcé de s’accommoder, de condescendre, et ce qu’il pense ce sont des résultats produits par sa réflexion sur le salut ou sur la nature de l’homme ; en d’autres termes, Dieu se transporte dans l’homme et là, renfermé pour ainsi dire dans l’âme humaine, il pense sur lui, Dieu, dans la mesure humaine ; Dieu pense sur lui comme s’il était un homme. Veuillez maintenant chercher la différence entre la révélation divine et la raison (ou la nature) humaine ; vous en trouverez une, mais tout à fait illusoire, imaginaire, chimérique. Et le contenu de la révélation divine même est de provenance humaine, car il naît, non de Dieu abstraction faite de l’homme, mais bien, au contraire, d’un Dieu humanisé, d’un Dieu déterminé par les désirs et les besoins de l’homme. La révélation divine est donc une révélation humaine ; la vérité secrète de la théologie est l’anthropologie, comme chaque chapitre de mon livre l’a déjà prouvé. Dans la révélation l’homme sort de lui et retourne à lui, après un long détour poétique et fantastique. Le Christ, c’est Dieu, ou Dieu c’est un homme, voilà l’objet principal de la révélation ; de là aussi l’inébranlable certitude du chrétien d’être exaucé par son Dieu révélé, qui s’est révélé précisément comme Dieu d’amour et de miséricorde, c’est-à-dire comme un Dieu humain, tandis que le païen n’était jamais bien sûr d’être écouté par ses divinités. (Voyez Or. de vera Dei invocat., Melanchthon ; déd. tom. 3. —  Luther, IX, 538.) Ainsi, Dieu, c’est l’homme, et l’homme, c’est Dieu ; voilà le mot secret de la révélation. Les théologiens me feront-ils encore ici le reproche de transporter dans la religion ce qu’elle ne contient pas ? N’apprendront-ils donc