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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

nichéenne, au moins, n’aurait pas pris homme, ou ne lui aurait pas donné des enfants mais une chrétienne augustinienne a le privilège d’être illogique et hypocrite en fait d’amour conjugal et maternel. Une manichéenne, ce me semble, n’aurait pas non plus été atteinte, comme sainte Élisabeth, de dérangement nerveux et d’hystérie tellement cruelle, qu’elle fût poussée involontairement à lécher, à sucer les blessures et les ulcères des lépreux. Mais ce qui est anti-humain et théologique, c’est-à-dire satanique au plus haut degré, c’est de ne pas avoir la sincérité des anciens chrétiens, soit manichéens, soit encratites, et de rayer le mariage tout à fait ; c’est d’appeler le mariage un sacrement, et d’écrire, comme l’auteur de ce triste roman (qui, dit-on, est particulièrement destiné pour les femmes) « Aussi, le Dieu qui s’est lui-même nommé le Dieu jaloux, ne pouvait souffrir que le cœur de sa fidèle servante ne fût envahi, même pour un moment, par une pensée ou par une affection purement humaine, quelque légitime qu’en pût être l’objet. » Ou l’un ou l’autre : aimez Dieu ou aimez l’homme mais si vous aimez le Dieu jaloux, ne veuillez pas jouer à la comédie humaine en sacrant le mariage et si vous aimez l’homme et la vie sociale, ayez le courage de rompre définitivement avec la comédie divine. Or, la théologie moderne, ou montalembertiste, n’a pas la naïve sincérité des anciens, elle est donc une pseudothéotogie, un mensonge.


Chapitre XIX.

Le Ciel chrétien ou l’Immortalité personnelle.


La vie célibataire et ascétique est la voie directe qui mène le chrétien à la vie céleste et éternelle ; le ciel chrétien, nous l’avons suffisamment démontré, n’est rien autre chose que la vie humaine sans différence sexuelle et absolument subjective. La croyance à l’immortalité personnelle ou individuelle se base sur la mesquine et misérable idée qu’on s’est faite de la nature organique ; on s’imagine que la sexualité n’est que quelque chose extérieure, superficielle, qui peut exister ou non exister, de sorte qu’en effet l’individu sans