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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

comprendre. Luther : « Le mariage n’est rien d’extraordinaire, les païens déjà ont fait son éloge d’après le bon sens naturel (II. 377), » ce qui est évidemment une mauvaise recommandation auprès du chrétien. « Les enfants de ce monde se marient entre eux, mais ceux qui sont dignes d’acquérir l’autre monde après la résurrection des morts, ne se marieront point. Ils ne mourront plus, ils sont égaux aux anges et des enfants de Dieu, car ils sont les enfants de la résurrection. » Ainsi, contraires aux mahométans, les chrétiens ne se marient pas dans le ciel, c’est-à-dire le ciel chrétien a exclu le principe organique de la génération physique. Or, le ciel chrétien doit être le modèle à suivre dans la carrière chrétienne d’ici bas : Le célibat est une initiation des saints anges, dit Jean de Damas (Orthod. fid. IV, 25). et Tertullien : « Praesumendum est hos qui intra Paradisum recipi volunt, tandem debere cessare ab ea re, a qua Paradisus intactus est (de exhort. Castil., c.13). » La plus simpte logique religieuse me dit que mon cœur n’est pas assez grand pour aimer fois l’immortel Dieu et un être mortel « Quae non nubit, Deo solo dat operam et ejus cura non dividitur ; pudica autem, quae nupsit, vitam cum Deo et cum marito dividit (Clem.Alexand., paedag., II) [1]

L’amour du chrétien pour Dieu n’est point un amour abstrait, universel, comme on aime la vérité, les sciences c’est, au contraire, an amour pour un être personnel, transcendant, et, par conséquent, doué de toutes les qualités brillantes et terribles, tendres et douces de l’amour humain pour un simple être humain, et en plus de tout ce qu’il y a d’exaltation fébrile et d’aliénation

  1. La nonne Héloïse, pour se soustraire au péché d’aimer le moine Abailard à côté du Christ, le fiancé réel et terrestre à côté du fiancé céleste et fantastiquement, ne sait dans son désespoir mixte rien de mieux que d’identifier tous deux après le décès d’Abailard :

    In aeterna mihi junctum
    Amo dignior defunctum
    Beatorum socium :
    Mors piavit, mors sanavit
      Insanatum animum
    Salve, victor sub corona,
    Sponse eum mitente zona, etc.

    (Le traducteur)