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Cet homme objectif admire la virginité pure et immaculée comme la plus sublime notion morale c’est là la corne de l’abondance de tous ses sentiments supranaturatistes, de toutes ses idées hyperphysiques. Il s’en fait fort, il appelle cela la personnification de son sentiment d’honneur, de sa pudeur vis-à-vis de la nature : Tantum denique, s’écrie Minuce Félix (c. 31) abest incesti cupido, ut nonnullis rubori sit etiam pudica conjunctio. Le bon père Gil était d’une chasteté telle, qu’aucune femme n’avait jamais vu sa figure, et il craignait même de se toucher lui-même, se quoque ipsum attingere quodammodo horrebat ; le père Coton avait un odorat si développé qu’il sentait une puanteur insupportabte à l’approche des personnes moins chastes que lui (Bayle dict. artic. Mariana Rem. C.). Le principe suprême de cette délicatesse ultraphysique est la vierge Marie : « Virginum gloria, corona virginitatis, typus virginitatis, puritatis forma, virginum vexillifera, prima virginum, virginitatis magistra, virginitatis primiceria. » Or, l’homme tout subjectif qu’il est, ne saurait se défendre d’un sentiment naturel, de l’amour maternel si charitable et si doux. Que faire alors pour sortir de cette lutte d’une sensation naturelle et d’un sentiment contre-nature ? Il faut en appeler au supranaturalisme, à ce grand sorcier qui sait toujours combiner les extrêmes, en confondant bon gré malgré en un seul sujet les deux attributs qui s’excluent l’un l’autre. Salve, sancta Parens, enixa puerpera Regem : —  Gaudia matris habens cum virginitatis honore (Mezger, théol. schol. IV, 132).

Delà ce phénomène singulier du catholicisme qui canonise la à la fois le célibat et le mariage ; c’est une contradiction logique et physique, mais il s’en moque.

Ne croyez pas toutefois qu’elle ait été un produit récent elle est déjà tout entière dans le rôle ambigu que le mariage joue chez l’apôtre saint Paul. La doctrine de l’engendrement et de la conception du Christ est bien une doctrine essentielle du christianisme, une doctrine qui en révèle l’essence intrinsèque et dogmatique, et elle repose sur le fondement qui porte tous les autres miracles et articles de foi. Un philosophe, un naturaliste, un individu intérieurement émancipé et objectif reconnaît la mort comme une nécessité naturelle ; les chrétiens s’en sentent choqués, comme de toute autre limite de la nature, Ils se trouvent donc scandalisés