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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

sèque de cet objet est éminemment profonde. Ils disent cela parce qu’ils ignorent la véritable ; et remarquez-le bien, ils se prononcent à cet égard en même temps très dédaigneusement sur toute autre religion non-chrétienne : au lieu de comprendre que, si le Parse ou l’Indien boit de l’urine de la vache sacrée, il n’y fait point une chose plus ridicule que si le catholique adore le peigne de la Sainte-Vierge : dans les deux cas l’homme cherche également la rémission des péchés, et c’est toujours très sérieux. La spéculation théologique contemple les dogmes en les isolant les uns des autres, elle détruit maladroitement leur connexité et les rend ainsi incompréhensibles. Elle ne les réduit jamais à leur origine intérieure, qui est la seule vraie ; elle n’est pas critique, elle fait un primitif du secondaire, un secondaire du primitif, elle renverse l’ordre et la cohérence des idées. Elle dit que l’homme ne vient qu’après Dieu, au lieu de dire le contraire. Incapable de contempler la nature, elle s’égare aussi quand elle veut définir l’homme. D’abord, n’oublions pas cette vérité fondamentale, l’homme sans le vouloir, sans le savoir, se crée Dieu d’après son image humaine : plus tard ce Dieu créé crée, en le voulant, en le sachant l’univers et l’homme. »

La théologie dit alors : voilà Dieu qui crée l’homme d’après son image divine.

Cette vérité se manifeste principalement dans le développement de l’israëlitisme. La théologie, qui fausse tout et ne reconnaît les choses qu’à moitié, dit alors que la révélation divine marche toujours a pas égal avec le progrès du genre humain ; ce qui n’est juste dans notre sens que quand nous disons la révélation divine est la révélation, ou la manifestation spontanée de l’essence humaine. L’israélite, créant son Dieu créateur et archi-égoïste, y révèle son propre égoïsme national. Il était cependant homme, et ne pouvait donc pas se refuser à toute contemplation théorique de la nature. Il l’admire, il chante la grandeur incalculable de Jéhova en chantant celle de l’univers. Cette grandeur de Jéhova se montre au comble quand elle se rapporte aux israélites par des miracles sans nombre : voila donc encore le regard de l’israélite tourné vers lui-même. Le soleil s’arrête pour lui ; la terre tremble, d’après Philon, pendant la publication de la loi de Sinaï. Dieu donne, d’après Philon, à Moïse le pouvoir sur toute la nature, et chaque