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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

j’insiste avec force sur ce que le culte des astres, culte sabéen ou céleste, produit enfin le Moloch et la Melitte-Astarte, les orgiasmes du Dionyse Sabazios, de la Cybèle avec des bellonaires, galles, hiérodoules ou fakirs tandis que le culte des images, culte terrestre, conduit insensiblement à l’adoration du Mithras-Ormuzd, du médiateur divin. Le culte des astres et du feu dégénère en spadonisme (l’empereur Héliogabale, la nésos theleïa des Scythes d’après Hippocrate, la fable de l’Attis réalisée dans les galles et les fakirs devenus eunuques il s’idéalise en Ormuzdisme. Le culte des images commence par un culte des animaux, il s’idéalise en hellénisme[1].

Le judaïsme n’est certes ni du fétichisme ni du sabéisme : Deuteron, IV, 19. Clément l’Alexandrin dit « Licet enim ea quæ sunt in cœlo, non sint hominum artificia, at hominum tamen gratia condita fuerunt : ne quis igitur solem adoret, sed solis effectorem desideret (Coh. ad gent.). » La création tirée du néant n’est point un objet digne de la philosophie, on n’y trouve aucune matière pour agiter la pensée, tout y est vide, vide comme la doctrine de l’utilisme ou de l’égoïsme dont elle est l’expression systématique et métaphysique. Qu’y-a-t-il de plus vide qu’un commandement simple et absolu ? D’un autre côté, plus cette sorte de création est dépourvue de sens pour la philosophie naturelle, plus elle est chère à la spéculation rêveuse. Il en est des dogmes comme de la politique : une institution, après avoir perdu toute valeur et signification, reste encore longtemps debout, et les faux avocats de la pensée arrivent qui démontrent que ce qui était bon dans un temps donné, l’est pour toujours, et que la signification intrin-

  1. Mieux serait peut-être, au lieu de diviser toutes les religions en sabéennes et fétichistes, de les classer en sabéennes et phalliques ; celles-ci se rattachent les idées de la mort d’un dieu et de sa résurrection ; le phallisme ou lingamisme n’est rien autre chose que l’expression naïve de l’étonnement immense, dont l’homme barbare était saisi en considérant l’engendrement, la naissance, la mort et la réapparition, c’est-à-dire les générations suivantes. Là où le lingamisme entre comme élément principal dans la religion, la castration religieuse et la prostitution sacrée deviennent inévitables. L’eunuchisme religieux fut conservé par le christianisme sous une forme tant soit peu idéalisée ; la prostitution sacrée fut maudite par la religion nouvelle, mais point abolie au contraire, elle y fut légalisée à l’aide du dogme de l’inégalité humaine (prédestination). Le molochisme y fut aussi conservé sous une forme moins âpre.  (Le traducteur.)