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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

À cette signification de la nature répond nature répond l’origine de la nature. La manière dont on se représente la naissance d’un objet, doit être la même pour son essence. Les anciens et les hommes du moyen-âge, peu naturalistes comme on sait, dérivent l’origine de la vermine d’animaux morts et d’autres objets dégoûtants : ils font cela parce que l’essence des insectes et des vers leur paraît dégoûtante, et il serait erroné de croire qu’ils les trouvent dégoûtants parce qu’ils leur supposent cette origine méprisable. De mémo, aux yeux des Hébreux la nature universelle n’est qu’un simple instrument du bon plaisir, de l’égoïsme le plus capricieux, ils lui donnent donc une origine qui exprime ouvertement le peu d’estime qu’ils ont pour la nature. Un égoïste par exemple est aigri quand, pour satisfaire ses besoins, il se voit obligé de recourir a autrui, quand il y a une scission entre la réalité et le désir, ou entre le but imaginé et le but réel ; il voudrait que sa volonté fit des miracles. Et le mosaïsme, en effet, fait créer l’univers par voie de miracle, par le simple sic volo, par la volonté absolue et arbitraire de Jéhovah, par un Impératif catégorique, tandis que les philosophes païens voyaient dans la nature une réalité ; ils parlaient par conséquent d’une matière éternelle. Il y avait chez eux des opinions diverses la-dessus, il est vrai, mais la différence était peu importante, puisque l’être créateur à leurs yeux est plus ou moins un être cosmique. Les païens étaient des idolâtres en contemplant la nature mais des nations ultra-chrétiennes le sont aussi, en observant et recherchant les lois générales de la nature. Les païens adoraient des objets naturels : entre adorer et contempler il n’y a pas beaucoup de différence ; le naturaliste chrétien lui aussi s’agenouille devant la nature, quand il découvre, au péril de sa vie. un cristal, un lichen, un insecte, pour les glorifier dans la lumière de l’intuition et pour les éterniser dans la mémoire scientifique de l’humanité. Étudier la nature n’est pas loin de l’adorer, et cela s’appelle idolâtrie dans le sens du Dieu israélite et chrétien. La religion n’est rien autre chose que l’intuition primitive que l’homme se fait de la nature et de lui-même ; elle est par là naïve et populaire, ou plutôt enfantine, mais en même temps opposée à la liberté. Tout le développement historique des religions devient clair quand on le considère sous ce point de vue.

« La religion Israélite, dit Boetticher (Idées sur la Mythol. des