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QU’EST-CE QUE LA RELIGION

parer qu’aux plus nobles pierres, émeraudes, jérubines, deltines, onix, saphirs, diamans, jaspes, hyacinthes, améthystes, sardes, berilles… Quant aux nobles pierres, jérubines, delfines, émeraudes et autres, qui sont les plus belles, elles ont leur origine là où l’Éclair de la Lumière est monté dans l’Amour. Car cet Éclair est né de la Douceur de l’Âme, il est le Cœur au centre des Esprits des Eaux ; c’est pour cela que les pierres dont je parle sont si douces, si puissantes, si sublimes. » Boehme, on le voit bien, avait du goût esthétique aussi pour les végétaux : « Les puissances célestes font naître des fruits et des fleurs célestes, riches de plaisir et de délectation, et beaucoup d’arbrisseaux et de buissons et d’arbres, c’est la que croissent les jolis et tendres fruits de la vie ; et les belles couleurs célestes s’épanouissent dans les fleurs odorantes. Ah ! voyez, voyez donc comme leurs ornemens sont variés, chacune a sa parure à elle selon sa qualité et son espèce tout ceci est tout beau, tout divin, tout joyeux… Si tu veux contempler l’immense splendeur et la majesté célestes de Dieu, et savoir les plantes et les joies qui sont là-haut, tu n’as qu’à regarder avec soin ce monde d’ici-bas, les fruits magnifiques qui poussent chez nous sur le sol de la terre, les arbres, les herbes, les fleurs, les vignes, les grains, les oliviers, enfin tout ce que ton âme puisse embrasser et observer, car tout ceci n’est qu’une copie de la grande splendeur des cieux (p. 480, 338, 340, 323). » Cet homme ne peut pas se contenter de la notion d’un Dieu despote qui aurait dit : « Que l’univers se fasse, car tel est mon plaisir ; » Boehme aime trop passionnément, adore trop saintement la nature pour ne pas chercher un autre motif de l’existence de sa bien-aimée, un motif naturel au lieu de l’explication morte et scolastique que lui en fournissent les théologiens. Il n’en trouve point d’autre explication que les qualités naturelles, et c’est par conséquent à celles-ci que son âme s’ouvre avec un indicible enthousiasme. Boehme mérite en effet d’être mentionné comme philosophe ou théosophe-naturaliste, il est neptuniste et volcaniste à la fois : « Toute chose est née du feu et de l’eau. » dit ce philosophe teutonique comme ses contemporains l’appelaient.

Son âme religieuse est fascinée par l’univers, la nature a jeté un charme sur elle c’est par le rayon éblouissant d’un vase d’étain, on le sait, que la lumière mystique s’était enflammée dans cet homme si étrange et aimable. N’oublions pas du reste que sa ville