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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME


divin extramondain et l’être non-divin du monde. Un fils humain est identique avec son père, en ce sens qu’il a la même essence, tout en ayant une personnalité différente de celle de son père : et c’est précisément d’après cet original terrestre que la copie céleste a été formée.

Dieu le Fils est ainsi une entité mixte dans laquelle il y a un Être qui n’existe pas de lui-même et par lui-même, a se comme disent les théologiens du moyen-âge, par conséquent un Être non-éternel ; il y a là aussi en même temps un Être qui n’est point encore réellement entré dans le domaine des choses finies et des sens, qui conserve ainsi encore en quelque sorte l’identité avec Dieu l’Infini.

Comment faut-il faire pour sortir de la contradiction si choquante de ces deux notions opposées ? Il faut appeler au secours l’imagination, qui seule est capable de faire une cosmogonie. L’imagination seule est le terme moyen entre les Idées abstraites et les choses concrètes ou réelles c’est-a-dire la matière. Nous sommes donc de nouveau arrivés sur le terrain de la psychologie.

Tout être médiateur entre Dieu et l’univers est donc un être de l’imagination ; mais pour répondre victorieusement à la théologie spéculative qui entend le principe cosmogonique d’une façon plus abstraite, il nous faudra, à notre tour, nous armer d’une vérité psychologique, plus abstraite que l’imagination.

L’univers n’est pas Dieu, il est même, tranchons le mot, le contraire de Dieu. Or, ce qui diffère de Dieu, ne saurait provenir directement, immédiatement de Dieu, mais bien d’une scission, d’une différence préalable que Dieu aurait faite en lui-même ce qui veut dire que Dieu s’est devenu objet à lui-même. L’acte psychologique où l’homme se devient un objet dont il a conscience,

    blime dans le Talmud, qui raconte si souvent de la puissance du grand nom Schem Hamporasch, nom mystérieux du Dieu d’Israël ; il est très difficile de bien apprendre ce mot, mais quand on le sait, alors on peut faire des miracles et commander aux démons, comme le roi Salomon et quelques-uns des rabbins l’ont fait ; le Talmud dit aussi que, chaque fois que la grande prière de la détresse est prononcée par une bouche israélite, la puissance de ses mots sacrés pénètre jusqu’aux abîmes de l’enfer, où elle fait cesser pour un moment les tourmens des âmes damnées, etc. Il en est de même dans les systèmes de magie de toutes les époques et de tous les peuples.  (Le traducteur.)