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L’ESSENCE DU CHRISTIANISME

se reflète en Dieu ; Dieu, c’est l’éternel miroir de l’homme. En d’autres termes, le Dieu crucifié, c’est le cœur humain deifié et adoré comme puissance surnaturelle. Ce culte si ravissant et si tendre du cœur humain existe nécessairement là où le stoïcisme n’existe plus.


Chapitre VII.

Le Mystère de la Trinité.


L’homme est un être infiniment multiple et varié ; il ne veut pas d’un Dieu sans cœur, il ne veut pas non plus d’un Dieu qui représente le cœur sans l’intelligence ; force lui est donc de se composer un Dieu qui embrasse la totalité de l’essence humaine. Ce Dieu total et intégral, c’est la Trinité unitaire, ou, ce qui revient au même, l’unité trinitaire telle que le christianisme dogmatique l’enseigne.

Nous procéderons ici comme toujours : nous aurons la clef du dogme de la Trinité en prenant pour essence, pour original ce qu’il nous montre comme allégorie, comme symbole, comme copie. Les théologiens ont essayé de le comprendre par de prétendues images, surtout par mens, intellectus, voluntas, amor, etc. par amour, vo-

    O, quam mira perpetrasti, Jesu propter hominem !
    Tam ardenter quem amasti paradiso exulem.

    AD MATREM DOLOROSAM

    Fac me vere tecum flere, crucifixo condolere
    Donec ego vixero, juxta crucem tecum stare,
    Te libenter sociare in planctu desidero,
    Fac ut portem Christi mortem :
    Passionis fac consortem, et plagas recolere !

    Mais cet enthousiasme si tendre et sublime, qui ne le cède assurément point à celui dans aucune autre religion, dite révélée, était nécessairement condamné déjà d’avance à la stérilité, par cela même qu’il était transcendant et subjectif à la fois. (Le traducteur.)