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LA RELIGION

« Pourquoi, dit saint Augustin, Dieu fait-il le ciel et la terre ? Parce qu’il le veut. » La tendance de la philosophie, au contraire, est de faire dériver les choses de leurs fondements naturels, c’est-à-dire de fondements qui sont une matière pour la pensée, de leur nature même, ou, pour parler comme les nouveaux, de leur idée. Prenons un exemple, et un seul suffit, pour montrer la différence absolue des deux procédés. Si l’on demande au théologien : Comment expliquez-vous l’apparition du christianisme ? Il répondra tout de suite, sans hésiter et sans réfléchir : « Le christianisme n’a point d’origine naturelle ; il est inutile de se casser la tête pour n’arriver à rien ; Dieu l’a établi pour le salut du genre humain, lorsqu’il a jugé bon et convenable de l’établir. » Mais la philosophie est entraînée par cette question à des réflexions profondes, et ce n’est qu’après avoir longtemps réfléchi qu’elle rompt le silence en ces termes : Vous me posez un problème qu’il n’est pas facile de résoudre, et je serais obligée de faire un long, un très-long chemin avant de trouver une solution qui pût me satisfaire ; — la raison est un pain amer et dur à digérer, — mais, pour montrer la différence de ma méthode avec la vôtre, je me contenterai de ces quelques mots : un point d’appui suffisait au mathématicien pour mettre la terre en mouvement ; le philosophe n’est pas si heureux ; deux choses lui sont indispensables, le temps et la nature : — le temps dévoile tous les secrets et la nature est toute-puissante ; mais sa toute-puissance est la puissance de la sagesse, et non de la volonté pure.

La nature de la religion est mon point de départ. Je dis donc dans mon langage : la religion est une forme