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XXXI
PRÉFACE

ne sache que dans ces représentations enfantines des peuples il n’y a pas d’absurdité qui n’ait sa raison d’être et par conséquent sa justification ? Quel est celui qui ignore que, s’il était né dans un autre pays, sous d’autres climats, dans des conditions différentes, il serait lui-même bien différent de ce qu’il est ? On est donc aujourd’hui assez bien disposé à ne se formaliser de rien. Ceux qui parlent de leur tolérance, qui la présentent comme un résultat intellectuel que peu ont encore atteint, sont parfaitement ridicules. Les persécuteurs, car il y en a, prétendent ne persécuter qu’au nom de la vérité ou pour le bien public, mais chacun sait, et ils le savent eux-mêmes, qu’ils n’agissent qu’en vue de leurs intérêts de caste ou de position sociale. On n’affiche aujourd’hui que des prétentions ; en réalité on fait le contraire de ce qu’on pense, si l’on pense. Tel qui soutient en public une opinion de parti soit par intérêt, soit pour soutenir un rôle dont il s’est affublé, s’en moque en petit comité pour ne pas paraître imbécile et donne pour excuse la mode, le ton, l’esprit de l’époque. C’est ce ton et cet esprit qu’il faut attaquer, et alors on s’inquiète peu de froisser des adversaires dont le métier est de condamner ceux qui pensent, je veux dire ceux qui parlent autrement qu’eux. Celui qui a pour but unique la vérité dédaigne ces démonstrations hostiles ; le dédain même est de trop et bon pour les poseurs ; il ne les voit pas, ne les entend pas et-passe tranquillement son chemin.

La plupart des écrivains nuancés et délicats semblent