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REMARQUES

sophe spéculatif n’arrive jamais à une vue claire des choses, parce que l’idée plane toujours dans son esprit comme la chose première ; même lorsqu’il ouvre les yeux, il ne voit partout que des idées réalisées ; le monde entier n’est pour lui qu’une allégorie de sa logique, de son dogmatisme ou de son mysticisme. Aussi lui est-il impossible de trouver le vrai principe, la vraie genèse, parce que l’idée est pour lui une aséité, quelque chose qui existe par soi, parce que partout il fait dériver de l’idée les choses sensibles, réelles, qui en sont au contraire la condition. Une œuvre écrite au point de vue de la philosophie spéculative, sur la mort et l’immortalité, est par conséquent nécessairement négative, incapable de satisfaire l’homme, : car elle considère la question de l’immortalité comme une question en soi, c’est-à-dire in abstracto, indépendamment de l’homme. Il y a toujours quelque chose qui parle contre l’immortalité quand elle est affirmée par le philosophe spéculatif et quelque chose qui parle en sa faveur quand il la nie. La vraie négation est celle qui donne une explication de son objet, qui le nie indirectement, de manière à n’être qu’une négation involontaire, qu’une conséquence nécessaire. De cette façon, cette conclusion négative : « Il n’y a point d’immortalité, » ne fait qu’exprimer tout simplement ce qu’est l’immortalité, exprime que, si on en dévoile la nature, on a pour résultat le rien. La seule solution de ce problème qui épuise son sujet et réconcilie l’homme avec son résultat ne peut être donnée qu’au point de vue de l’anthropologie. Le point de départ de l’anthropologie est l’existence de cette croyance ; pour elle l’existence est la chose première, non pas l’existence dans le sens de