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LA RELIGION

ditionnelles, c’est-à-dire sacrées. Ils s’imaginent pouvoir se mettre un instant au point de vue de l’auteur ; mais en ce cas comme en bien d’autres ils en sont encore au même point que les Kamtschadales et d’autres peuples sauvages qui croient que l’âme peut faire une promenade en dehors du corps et passer dans d’autres individus. Il est aussi impossible à l’âme d’un théologien de pénétrer dans l’être d’un homme libre ou d’un penseur qu’à l’âme d’une oie de passer dans le corps d’un aigle. L’homme nouveau, la jeunesse intellectuelle comprend bien la vieillesse ; mais celle-ci ne comprend pas la jeunesse comme le prouvent tous les jours dans la vie domestique les parents au détriment de leurs enfants, et dans la vie politique les vieux gouvernements pour le malheur de leurs peuples jeunes et pleins d’aspirations vers l’avenir. Les gouvernements étouffent par la violence toutes les doctrines qu’ils regardent comme funestes aux hommes et aux peuples. Mais rien n’est plus insensé, rien n’est plus grossier que de vouloir servir de tuteur ou de directeur à l’homme pour ce qu’il doit croire et penser, que de le protéger avec un soin en apparence tout paternel, mais en réalité despotique, là où chacun a dans l’instinct de son amour de lui-même son vrai génie protecteur. Celui à qui cette doctrine, que la divinité, ou ce qui est la même chose, que l’immortalité de l’homme n’est qu’un rêve est réellement funeste, celui-là n’a pas besoin pour la rejeter du secours de la police ou du clergé chrétien. Tout-puissant est chez l’homme l’instinct de sa conservation. Une vérité nouvelle peut bien avoir d’abord des effets funestes, destructeurs, parce qu’avec ses vieilles idées l’homme croit toujours voir disparaître les fonde-