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XX
PRÉFACE

ne jetterait pas ainsi l’opprobre à une moitié de la poésie humaine, et ne s’exclamerait pas comme s’il voulait repousser loin de lui le fantôme d’Iscarioth ! » Il peut se faire que des cœurs pleins de religiosité et de sensiblerie soient émus par de si belles phrases et ressentent de l’antipathie pour celui qui en est le prétexte. Mais ces belles phrases sont vides, et chaque mot est en contradiction avec la vérité. Le germanisme de Feuerbach a coutume de s’exprimer ainsi : « L’esprit, c’est-à-dire la parole abstraite, telle est l’essence du christianisme. La parole de Dieu n’exprime pas autre chose que la divinité de la parole, l’Écriture sainte, pas autre chose que la sainteté de l’Écriture. Ce christianisme n’a été parfaitement compris et réalisé que par les Allemands, « le seul peuple profondément chrétien. » Aussi les Allemands sont tout et ont tout en parole, mais rien en action, tout en pensée, mais rien en fait, tout en esprit, mais rien en chair, c’est-à-dire tout sur le papier, mais rien en réalité. » Sans doute il faut être Allemand pour parler de la sorte, mais, si je ne me trompe, M. Renan l’est bien davantage, car ce portrait lui ressemble à s’y méprendre, et l’on dirait qu’il a servi de modèle.

L’école romantique en Allemagne a fait sonner, en l’honneur du christianisme, le carillon des cloches et la nôtre en a fait tout autant, sinon même davantage. Mais faut-il beaucoup d’intellect pour s’apercevoir que l’on tombe dans une grande erreur en s’imaginant que les choses du passé étaient revêtues de la poésie que