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de luxe de l’humanité, il l’a rendue indifférente à la satisfaction de ses désirs et de ses besoins les plus proches, les plus naturels et les plus nécessaires. Il a voulu donner à l’homme plus qu’il ne demande en réalité, et en se donnant pour but la réalisation de ses vœux irréalisables, il n’a réalisé aucun de ceux qui pouvaient l’être. Le christianisme est si peu l’expression classique, complète de la nature humaine, qu’il n’est fondé, au contraire, que sur la contradiction de la conscience de l’homme avec sa nature et son essence réelles. L’immortalité n’est qu’un désir de l’imagination ; elle est de la part du christianisme une flatterie à laquelle en fait et en vérité personne ne croit, — à part quelques hommes chez lesquels la puissance de l’imagination étouffe la voix de la nature ; — et ce qui le prouve, c’est que les croyants meurent aussi peu volontiers que les incrédules, et emploient tous leurs efforts à se conserver cette vie aussi longtemps que possible. Il est des désirs dont le désir secret est de n’être jamais exaucés, jamais accomplis, parce que leur accomplissement les compromettrait, les démasquerait, ferait voir qu’ils ne reposent que sur une illusion. Tel est le désir d’une vie éternelle : il n’a de valeur que dans la fantaisie ; s’il se réalisait, l’homme s’apercevrait bientôt qu’il est en contradiction avec sa vraie nature, car il se rassasierait à la fin de cette vie éternelle comme de celle-ci, quand même elle serait bien différente.

Ce n’est que par rapport au temps, comme contraste avec la brièveté de cette vie, que l’idée d’une vie éternelle est un besoin pour l’homme. Mais ici encore l’homme se met en contradiction avec la vérité et la