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XIII
PRÉFACE

a abouti au scandale, à la folie et au néant. » Par ce mot vague et à double sens « aboutir » veut-il nous faire entendre que les écrivains dont il parle sont les derniers représentants de l’esprit métaphysique, ou bien que leurs ouvrages sont la conséquence de tous ceux qui les ont précédés ? M. Scherer ne s’explique pas là-dessus ; mais ce n’est pas la question. Par quelle fantaisie, après avoir transformé Feuerbach en entrepreneur de bains publics ou en maître d’hôtel, en fait-il une espèce de prophète, un prédicateur de l’amour ? Quoi ! un critique des religions, un penseur qui prétend mettre quelque chose à leur place, se contenterait de dire comme elles : « Aimez-vous les uns les autres » ? mais c’est une dérision ! Dans les pages de l’Essence du Christianisme, consacrées à l’amour et à la foi, Feuerbach démontre irréfutablement leur incompatibilité absolue et leur éternelle contradiction. Pour lui, l’intelligence seule, en vertu de sa puissance conciliatrice due à la lumière qu’elle verse sur toutes choses et qui fait ressortir les rapports qui unissent les hommes entre eux en rejetant dans l’ombre les différences qui les séparent, l’intelligence seule est capable d’engendrer l’amour universel. Mais l’intelligence ne vient qu’avec les années, et les hommes ne peuvent s’aimer que s’ils ont de bonnes raisons pour cela. L’amour est donc renvoyé au temps où régneront la science et la justice, et nul d’entre nous, je crois, ne peut se flatter de voir ce règne avant de mourir.

En général, les trois quarts des gens qui écrivent