Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/214

Cette page a été validée par deux contributeurs.

reille à celle d’un troupeau de moutons, dont chaque mouton en particulier existe uniquement pour lui-même, satisfait à part ses besoins, et n’a à souffrir, par cela même qu’il fait partie d’un troupeau, aucune espèce de dommage. Comme son principe est un esprit, elle forme un tout qui a sa réalité dans chacun de ses membres ; elle est une unité vivante qui pénètre les individus, les dévore et les dissout en elle. L’histoire est la manifestation de cette unité dans le temps ; elle confirme la négation que les individus ont à souffrir par l’unité de l’être dans leur existence extérieure. Le temps n’est que l’esprit ardent et colère, plein d’une fureur divine qui, dans l’emportement de son enthousiasme, entraîne le monde avec lui. Que ceux qui, du banquet de l’histoire, n’emportent qu’une espèce d’indigestion morale, impuissants à recevoir en eux le feu sacré de l’enthousiasme et à le nourrir, attendent une autre vie pour s’y guérir avec les sels d’ici-bas, — car les remèdes de l’avenir sont les mêmes que ceux du présent, — qu’ils errent sur les hauteurs sublimes de l’histoire en y cherchant les plantes dont ils prépareront les sucs pour leur vie future, — au soleil de la conscience leur avenir fond comme du beurre. L’éternité, c’est-à-dire l’unité du passé, du présent et de l’avenir dans la conscience, voilà le terrain, le fondement intime de l’histoire. Comme le corps organique, l’humanité est dans un mouvement perpétuel ; elle crée, renouvelle et métamorphose sans cesse ses membres, les individus, mais elle-même comme tout, comme conscience est au-dessus du temps, qui n’est que le rapport du tout aux membres, de l’unité aux individus. La conscience est un présent immuable au milieu des change-