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LA RELIGION

nous ne pouvons savoir dans cette vie si avant elle nous avons déjà vécu ; mais cela nous sera révélé un jour. » Qu’importe ! quand même il te serait révélé qu’autrefois tu as vécu, tu ne ferais pas disparaître pour cela le néant qui est en arrière. Cette existence et cette vie d’autrefois ne seront jamais ta vie et ton existence. Mais qu’est-il besoin de sortir de la vie présente ? À son origine tu n’étais pas encore toi, cet être personnel, déterminé, qui par la connaissance de soi devient personne et a dans sa personnalité la mesure et la durée de son existence. Ce n’est pas par toi, c’est par les autres que tu sais que tu as été enfant, et que tu es encore le même qu’autrefois. Les autres sont tellement mêlés à ta vie la plus intime, tellement impliqués dans l’unité de ta conscience personnelle, que la connaissance que tu as de toi-même t’est procurée d’abord par eux et seulement par eux. Ce n’est que tard qu’en devenant indépendant à l’extérieur par ton corps tu deviens aussi indépendant à l’intérieur par l’esprit. La science des autres sur toi devient alors ta propre science, et tu te charges des fonctions qu’ils remplissaient à ta place. De même que d’abord tu étais enfermé dans le sein de ta mère, de même le sein maternel de ton être, c’est la conscience d’autrui dans laquelle tu étais connu avant de te connaître ; de même que ta première nourriture préparée dans le corps de ta mère a été le lait maternel, de même tu as sucé ton existence personnelle du sein de l’humanité. La mort n’est pas autre chose que l’action par laquelle tu rends aux autres la conscience que tu avais reçue d’eux. La connaissance de toi-même t’abandonne pour devenir, comme à l’origine, connaissance de toi dans autrui, et