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LA RELIGION

avec les mêmes attributs sensibles et dans les mêmes conditions que dans cette vie, car le temps et l’espace sont inséparables de ces attributs et de ces conditions. Les immortels doivent-ils néanmoins vivre dans l’espace et le temps sans être soumis aux pénibles conditions qui leur sont nécessairement liées, alors il ne reste plus qu’à se les représenter comme des figures mathématiques, comme des lignes ou des triangles ; — mais les lignes et les triangles se trouvent déjà dans la vie d’ici-bas.

Puisque la vie après la mort est la même que celle-ci, il était tout à fait naturel que dans les temps nouveaux, après qu’on se fut délivré de la croyance en un ciel imaginaire et des lugubres images d’un empire des ombres et des fantômes, d’un sombre séjour de morts dans ou sur la terre, on se décidât à transporter ce séjour dans les étoiles, localité qui a pour elle cet avantage que, par là, la vie qui précède la mort et celle qui la suit se trouvent au moins en apparence éloignées l’une de l’autre, et que les trépassés ne peuvent plus gêner les vivants comme c’était le cas dans leur demeure précédente. Cette manière d’envisager les étoiles vient chez les individus du principe général que ces corps innombrables existeraient en vain s’ils n’étaient pas peuplés, et qu’ainsi la sagesse du Créateur ou la prévoyance de la nature, qui ne font rien d’inutile, se trouveraient en flagrant délit de contradiction.

Tu as raison de regarder la vie comme le but d’un corps ; mais tu es dans l’erreur quand tu crois que tel ou tel astre, que tu fixes des yeux dans un certain point de l’espace, est tout à fait inutile s’il ne contient pas ce que tu vois sur la terre, et quand, dans cette fausse