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LA RELIGION

des devoirs envers l’homme ; la religion justifie ses cruautés par les motifs insondables de la divine sagesse et l’État ses brutalités par des motifs impossibles de très-haute importance politique ; la religion punit celui qui d’un bois sacré, et l’État celui qui d’une forêt de l’État a emporté un rameau vert. La religion immole la vie de l’homme à ses crocodiles, à ses serpents et à ses taureaux divins ; l’État fait du bien de ses sujets la proie de ses lièvres, de ses daims et de ses sangliers. Sous le pieux Guillaume, duc de Bavière, les paysans devaient faire dans les buissons qui entouraient leurs champs des issues aux quatre points cardinaux pour que le gibier pût facilement trouver sa nourriture. « Contre les hommes, dit un jurisconsulte, à propos d’une loi de chasse qui n’a été abolie en Bavière qu’en 1806, il y a un droit de légitime défense ; mais contre les lièvres, les cerfs et les sangliers, il n’y en a point. Pour tout autre que le maître qui a seul droit de les chasser, ces animaux sont inviolables, — sacrosancti, — la moindre égratignure à leur peau est punie d’un châtiment terrible. »

LXII

Les criminalistes chrétiens ont mis Dieu en tête du Code pénal ; ils ont fait de l’offense à la Divinité le premier et le plus grand des crimes. Mais comme Dieu n’est pas un être sensible, un individu palpable, et qu’au contraire il n’existe que dans la foi, dans l’imagination ; comme il est impossible d’attenter à sa liberté, à sa propriété et à sa vie, il ne peut se commettre contre lui d’autre crime que l’injure, le blas-