Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
LA RELIGION

doce ? Le même et aussi nécessaire qu’entre la pensée et la parole, l’intention et l’action, l’être et le phénomène. L’objet de la religion est un être tout à fait dans le sens et dans l’intérêt de l’homme, un être qui doit entendre ses prières, et cependant ne les entend pas, qui existe dans la foi et n’existe pas dans la réalité. Comment faire disparaître cette insupportable contradiction ? Par un médiateur entre Dieu et l’homme, par le prêtre. Le prêtre remplit une lacune entre l’existence de Dieu dans l’imagination, dans la foi et sa non-existence dans le monde réel. Il est le remplaçant de la divinité ; bien que réellement homme, il ne représente pas l’homme mais Dieu ; il met sous nos yeux d’une manière palpable l’essence de la religion. De même que le contenu de la religion, bien que naturel et humain, paraît être surnaturel et divin, ou du moins est représenté comme tel, de même le prêtre semble être tout autre chose que ce qu’il est en vérité. Apparence, masque, telle est sa nature. Il est donc forcé, non seulement par la prudence et la ruse, mais encore par la foi et la religion, de se distinguer des autres hommes, même par son extérieur, par ses vêtements, ses manières, son genre de vie, pour s’entourer d’une apparence sainte, pour avoir l’aspect d’un état particulier, extraordinaire. C’est en ne paraissant pas être ce qu’il est réellement, c’est par la négation ou du moins par le déguisement de sa vraie nature humaine que l’être qui n’est pas en lui paraît être cependant. La religion est une illusion pieuse, inconsciente, involontaire ; le sacerdoce est une illusion politique, consciente, raffinée, sinon dans le commencement, du moins dans le cours du développement religieux. La religion