Page:Feuerbach - La Religion,1864.pdf/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
129
LA RELIGION

Seule la lumière qui ne brille que pour l’homme est la lumière de la théologie ; seule la lumière qui n’existe que pour des êtres doués de la vue suppose comme sa cause un être capable de voir.

XXXVIII

« L’être spirituel » que l’homme suppose au-dessus de la nature comme son créateur et son maître n’est pas autre chose que l’être spirituel de l’homme lui-même ; mais cet être lui paraît incomparable, différent du sien, parce qu’il en fait la cause de la nature, la cause de phénomènes que ni l’intelligence ni la volonté de l’homme ne peuvent produire, parce qu’ainsi à cet être humain il allie l’être de la nature qui en diffère[1]. C’est l’esprit divin qui fait croître le gazon, qui forme l’enfant dans le sein de la mère, qui dirige le soleil dans son cours, soulève les montagnes, déchaîne et apaise les vents et renferme les mers dans des bornes infranchissables. Qu’est l’esprit de l’homme à côté de cet esprit ? Quelle infirmité ! quel néant ! Si donc le rationaliste rejette l’incarnation de Dieu, l’union de la divinité et de l’humanité dans un seul être, c’est tout simplement parce que derrière son Dieu il n’a dans la tête que la nature, la nature telle que l’a dévoilée aux regards de l’homme le télescope de l’astronomie.

  1. Cette association, ce mélange de l’être moral et de l’être physique, de l’être de l’homme et de l’être de la nature produit un troisième être qui n’est ni homme ni nature, mais qui tient de l’un et de l’autre et par ce caractère amphibie, énigmatique est devenu l’idole de la spéculation et du mysticisme.