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LA RELIGION

blime, c’est la domination sur la nature, et l’être suprême, l’objet de son adoration, c’est le créateur de l’univers, car la création est la connaissance nécessaire ou plutôt le principe de l’empire absolu. Si le maître de la nature n’en était pas en même temps le créateur, il n’aurait sur elle qu’une puissance bornée, défectueuse ; la nature dans ce cas serait indépendante de lui par son origine et son existence, — car s’il avait pu la faire, pourquoi ne l’aurait-il pas faite ? — et sa domination serait pour ainsi dire illégitime, usurpée. Cela seul que je produis, que je fais est complètement en mon pouvoir ; de l’acte de la production découle le droit de propriété. C’est la création seule qui est la garantie, la réalisation de la puissance et qui en épuise la nature et l’idée. Les dieux des païens étaient bien déjà des maîtres de la nature, mais ils n’en étaient pas les créateurs. Ce n’étaient point des monarques absolus, mais des rois constitutionnels, obligés de ne pas dépasser certaines limites ; c’est-à-dire les païens n’étaient pas encore supranaturalistes radicaux, absolus, comme le sont les chrétiens.

XXXVI

Si la doctrine de l’unité de Dieu est pour les déistes une doctrine révélée, d’origine surnaturelle, c’est qu’ils n’ont pas vu que l’homme a en lui la source du monothéisme et que le fondement de l’unité de Dieu c’est l’unité de la conscience et de l’esprit de l’homme. Le monde se déroule à mes regards avec l’infinie variété de ses êtres innombrables, et cependant tous ces êtres divers, le soleil, la lune et les étoiles, le ciel et la terre, ce qui est loin et ce qui est près, ce qui est pré-