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LA RELIGION

dire ils exécutent, ils accomplissent les lois du cœur humain. Ce que les hommes ne peuvent que dans la volonté, dans la fantaisie, c’est-à-dire spirituellement, comme, par exemple, se transporter en un instant dans un lieu éloigné, ils le peuvent physiquement. Les dieux sont les vœux de l’homme réalisés, doués d’un corps ; chez eux, les bornes naturelles imposées à l’homme n’existent plus, et les forces du corps sont égales aux forces de la volonté. La manifestation irréligieuse de cette puissance surnaturelle de la religion se trouve dans la sorcellerie des peuples barbares, pour laquelle la simple volonté de l’homme est le dieu qui commande à la nature. Si le dieu des Israélites arrête le soleil sur l’ordre de Josué, fait pleuvoir à la prière d’Élie ; si le dieu des chrétiens, pour prouver sa divinité, c’est-à-dire la puissance qu’il a d’accomplir les vœux de l’homme, apaise les tempêtes, guérit les malades par une simple parole, il est aisé de voir qu’ici, de même que dans la sorcellerie, la volonté pure est proclamée la puissance qui gouverne le monde. Il y a cependant une différence : le sorcier réalise le but de la religion, d’une manière irréligieuse ; le juif et le chrétien le réalisent d’une manière religieuse. Le premier s’attribue à lui-même ce que les seconds n’attribuent qu’à Dieu ; il regarde comme résultant de sa volonté ce que ceux-ci font dépendre de la soumission de leur volonté, d’une prière ou d’un pieux désir ; en un mot, ce que le sorcier fait par lui-même, c’est par Dieu que les juifs et les chrétiens le font. Mais on peut appliquer ici le proverbe : Quod quis per alium fecit, ipse fecisse putatur, ce qu’un homme fait par l’entremise d’un autre lui est imputé comme sa propre action ; ce qu’un homme