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LA RELIGION

VIII

La nature n’est pas seulement l’objet primitif des religions, elle en est encore le fondement persistant, le dernier soutien, quoique caché à tous les regards. Si l’on croit que Dieu, même conçu comme différent du monde, est autre chose qu’une idée, existe en dehors de la pensée de l’homme, est un être objectif, comme disent les philosophes, c’est tout simplement parce que les êtres qui existent en dehors de l’homme, c’est-à-dire la nature, l’univers, sont dans l’origine Dieu lui-même. L’existence de la nature ne se fonde pas, comme le pense le déiste, sur l’existence de Dieu ; non ! Tout au contraire, l’existence de Dieu, ou plutôt la croyance que Dieu existe se fonde seulement sur l’existence de la nature. Si tu es forcé de penser Dieu comme un être existant nécessairement, c’est parce que la nature te force de préposer l’existence de la nature à la tienne propre, car ta première idée de Dieu n’est pas autre chose que l’idée de l’existence qui a dû précéder la tienne. Si tu crois que Dieu existe en dehors du cœur et de la raison de l’homme, existe d’une manière absolue, sans s’inquiéter si l’homme est ou n’est pas, le connaît ou ne le connaît pas, le désire ou ne le désire pas, eh bien, tu n’as dans la tête que l’idée de la nature, dont l’existence n’a point pour fondement l’existence de l’homme et encore moins les besoins de son intelligence ou de son cœur. Si donc les théologiens, et principalement les rationalistes, placent surtout l’honneur de Dieu dans son existence en dehors de la pensée de l’homme, ils feront bien de réfléchir que