Page:Feuerbach - Essence du Christianisme, 1864.pdf/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
essence du christianisme

La tendre humanité du Christ remplirait les cœurs d’une telle félicité, que jamais aucun sentiment de colère ou d’inimitié ne pourrait s’y introduire, et que, dans son ivresse, tout homme porterait son frère en triomphe. Nous ressentirions une joie infinie d’être ainsi élevés au-dessus de toutes les créatures, au-dessus même des anges, car nous pourrions nous écrier avec orgueil : « Notre propre chair, notre propre sang sont « assis à la droite de Dieu, » et cette pensée allumerait en nous un feu si ardent que nous serions tous unis et fondus comme dans une même fournaise, dans notre amour les uns pour les autres. » Mais ce qui est en vérité dans la religion l’affaire principale, l’essence même de la fable, devient affaire secondaire, n’est plus que la morale de la fable dans la conscience religieuse.



VI

LE MYSTÈRE DE LA PASSION


Un des caractères essentiels du Dieu fait homme, du Christ, c’est la passion. Souffrir est le plus grand témoignage que l’amour puisse donner de lui-même. Toutes les pensées, tous les sentiments qui se rattachent au Christ se concentrent dans l’idée de la douleur. Dieu en tant que Christ est l’idéal de toutes les misères de l’homme. Les philosophes païens célébraient l’activité et surtout la libre activité de l’intelligence comme