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de la pitié, de la sensualité. Ce ne sont pas des êtres abstraits, non ! ce sont seulement des êtres matériels qui peuvent être émus, touchés. La pitié est le sentiment du droit de la sensualité. C’est pourquoi Dieu ne pardonne les fautes des hommes que dans sa conscience de Dieu homme, de Dieu fait chair et non de Dieu abstrait, purement intelligent. Dieu comme homme ne pèche point, mais il connaît et prend sur lui les passions, les souffrances et les besoins de la matière ; le sang du Christ nous purifie à ses yeux de nos fautes : le sang humain de Dieu est seul capable d’apaiser sa colère et d’exciter sa pitié ; c’est-à-dire nos péchés nous sont pardonnés parce que nous sommes des êtres de chair et de sang, et non pas des êtres abstraits.



V

LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION OU DIEU EN TANT QU’ÊTRE MISÉRICORDIEUX

C’est donc par la conscience de l’amour que l’homme se réconcilie avec Dieu ou plutôt avec lui-même, avec son propre être que dans la loi il se représente comme un ètre différent de lui. La conscience de l’amour divin, ou, ce qui est la même chose, Dieu envisagé comme un être humain, voilà le mystère de l’Incarnation, le mystère du Dieu fait homme. L’Incarnation n’est que l’apparition sensible, visible et palpable de la