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essence du christianisme

il faut pour cela cesser d’errer dans les ténèbres du mysticisme, sortir au grand jour de la nature réelle et échanger l’idée du Dieu personnel pour l’idée de la personnalité en général. Dieu n’est que la personnalité abstraite, délivrée des chaînes de la nature ; vouloir lui donner pour fondement obscur cette même nature, c’est aussi absurde que si l’on voulait mêler au nectar des Dieux une sauce bien épaisse pour fournir une base solide à la boisson éthérée. Le suc céleste qui nourrit les dieux ne contient pas bien sûr les éléments du sang animal, et la fleur de la sublimation ne se produit que par l’évanouissement de la matière. Pourquoi veux-tu donc retrouver dans la substance sublimée les éléments que tu en avais séparés ? Là où la personnalité est la vérité unique, la nature n’a plus ni importance ni fondement. La création seule peut l’expliquer, car elle fait entendre que la nature n’est rien ; elle exprime d’une manière précise l’importance qu’a la nature pour la personnalité absolue.



XI

MYSTÈRE DE LA PROVIDENCE ET DE LA CRÉATION

Dieu dit : « Que le monde soit, » et aussitôt le monde fut ; le monde est le discours de Dieu. La parole créa trice identique à la pensée, tant qu’elle est encore dans le sein de la divinité, tant qu’elle n’est pas prononcée,