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CURIOSITÉ.


— « Si je pouvais, mon Dieu, même contre un peu d’âge,
« Échanger ce secret qu’on ne peut obtenir,
« Et seulement surprendre à sa première page
« Quelques lignes de l’avenir ! »

— L’avenir ! livre obscur où nul œil ne sait lire,
Où le crime se cache ainsi que la vertu,
Où le mal si souvent contre le bien conspire…
Hélas ! dis-moi, qu’en ferais-tu ?

Peut-être y verrais-tu de consolantes choses,
Un rayonnant espoir éclairant ton lointain ;
Mais le poison, ma belle, est parfois près des roses !
Le soir est si près du matin !

Oh ! non, ne cherche pas, curieuse, à connaître
Ce qu’il plut au Seigneur de nous tenir caché ;
Un jour pourrait venir où tu dirais au maître :
« Pourquoi n’as-tu rien empêché ? »

Car si tu découvrais quelque triste symbole,
Quelque astre bien aimé s’effaçant de ton ciel,
L’amour ou l’amitié te manquant de parole,
La volupté devenant fiel ;

Si tu voyais les fleurs à ta route promises,
S’effeuillant sous tes pas comme au vent du désert,
Tes beaux rêves croulant, et tes paupières prises
D’un ruisseau de larmes amer,

Alors tu maudirais ton indiscrète envie,
Tu lèverais en haut ton regard désolé :
« Reprenez, dirais-tu, pour moitié de ma vie
« Ce que vous m’avez révélé. »

Et tu rappellerais la première ignorance,
Tes jours naïfs et purs donnant un si beau sort,
En voyant, pauvre enfant, que l’arbre de science
Est toujours l’arbre de la mort.

Tandis que si le ciel s’apprête à te sourire,
Laisse couler tes jours sans t’inquiéter d’eux ;
Chacun, en l’arrivant, saura bien te suffire :…
C’est le présent qui rend heureux !




AUX ENFANTS.


Ô vous, dont la voix pure
Monte encor droit à Dieu,
Priez sur la nature,
Trésors de ce bas lieu.
J’y vois des maux étranges,
Et d’étranges douleurs…
Priez, enfants ; les anges
Vous verseront des fleurs.

Pour nous, l’or de nos âmes
Hélas ! s’est trop terni ;
Mais en vous, jeunes flammes,
Tout reflet est béni.
Notre monde a des fanges
Que laveraient vos pleurs…
Pleurez, enfants ; les anges
Vous verseront des fleurs »

Que du ciel sur la terre
Nous viennent quelques dons ;
Tout front obscur s’éclaire
Quand nous vous entendons.
De vos chastes phalanges
Éveillez les doux chœurs…
Chantez, enfants ; les anges
Vous verseront des fleurs.

Dieu, je crois, pourrait même
Nous rendre son amour,
Si de vos cœurs, qu’il aime,
Vous l’appeliez un jour.
Dépouillez donc vos langes,
Invoquez ses ardeurs…
Aimez, enfants ; les anges
Vous verseront des fleurs.