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entières. Donnons à lire cependant quelques paroles d’Anna, de la forte jeune fille, alors qu’elle se sent inspirée poursuivre son père :


Notre oncle bien aimé veillera sur ma mère,
Dans un asile sûr, loin du bruit des combats…
Pour moi, je viens, mon bon, mon vénérable père,
Implorer la faveur d’accompagner vos pas.
Mes frères loin de vous luttent pour la patrie ;
Pourriez-vous seul, hélas ! pourvoir à vos besoins ?
J’embrasse vos genoux, souffrez, je vous en prie,
Que je vous prodigue mes soins,
Que je puisse étancher le sang de vos blessures,
Alléger vos douleurs… ne tremblez pas pour moi :
Je ne suis pas d’ailleurs de ces faibles natures
Que le canon glace d’effroi…
Près de vous, dans les rangs, vous me verrez sans crainte ;
Devant aucun danger mon cœur ne faillira ;
Pour éloigner de vous une mortelle atteinte,
Jamais ma main ne tremblera…
Je sais depuis longtemps me servir d’une épée
D’un bras agile et vigoureux ;
Dans le sang moscovite elle sera trempée,
Si vous daignez, mon père, accéder à mes vœux.
Déjà, vous le savez, dans la lutte cruelle
Qui bientôt, je le crois, doit fixer notre sort,
Des femmes ont acquis une gloire immortelle
En bravant les frimas, la fatigue et la mort.
Je brûle d’imiter ces nobles héroïnes,
Dont la Pologne entière admire les exploits ;
Un rôle aussi m’attend…


Ce langage est en même temps naturel et plein d’énergie. La scène se continue. Le Comte, la Comtesse, Jean, Stanislas, y font tour à tour, en vers chaleureux, le récit des atrocités dont ils ont été les témoins.

C’est là que se déroule la partie la plus poignante de l’épisode… Non ; le chapitre suivant, le Martyr, y ajoute encore un trait : la torture y couronne les cruautés du bourreau. Lisez :


Saisissant le vieillard, ces hommes sans entrailles,
D’un odieux pouvoir méprisables suppôts,
Étreignent avec des tenailles
Ses jambes et ses bras bientôt mis en lambeaux.